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Opinions
Contribution externe
Publié le 12-05-2020 à 12h32 - Mis à jour le 12-05-2020 à 14h51
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Une opinion de Benoit Wautelet, papa d’une petite fille de 22 mois.
La levée du confinement est en route : des travailleurs reprennent partiellement ou totalement le chemin des entreprises, d’autres continuent à travailler à domicile car "le télétravail reste la norme", des catégories d’élèves retrouveront prochainement le chemin de l’école, d’autres continueront les approfondissements scolaires à domicile. Il y a donc autant de situations que de cas particuliers. La situation est inédite, les réponses aussi, ce n’est pas anormal. Pourtant, dans ce paysage, une catégorie de citoyens continue d’être traitée différemment : les enfants en âge d’être à la crèche.
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Les crèches ne sont pas des garderies comme on l’entend parfois : au même titre que les écoles, elles sont tenues d’avoir un projet pédagogique et de le mettre en œuvre (ce que la crèche que ma fille fréquente réalise à merveille). C’est donc une école (de vie) avant l’heure, à une énorme différence près : l’enseignement est obligatoire et gratuit, la crèche est facultative et payante.
Il faudra payer les journées d'absence
Depuis la première communication de la Première ministre, les crèches sont traitées de manière isolée et, il faut le dire, de façon peu convaincante : à l’école, les leçons sont "suspendues", mais les crèches restent ouvertes "sans difficultés" (pour reprendre les propos de Sophie Wilmès). Beaucoup de parents décident, au vu du manque d’arguments du gouvernement et des spécialistes, de garder les enfants à la maison en combinant avec le télétravail devenu la norme. Une précision arrivera rapidement : l’accueil à la crèche est, tout comme dans les écoles, réservé aux enfants du personnel soignant et des professions de première ligne. Tout le monde à la maison ! La manière de vivre ces moments est propre à chaque foyer, et la pression mise par les employeurs est très variable. Certains se montrent compréhensifs, d’autres moins.
L’absence autorisée de nombreux enfants représente un énorme manque à gagner pour les crèches. Il est donc décidé qu’elles recevront des indemnités compensatoires. Jusqu’au 18 mai prochain, jour où les écoles rouvrent. Ce jour-là, les leçons reprennent pour certains élèves, les garderies organisées sans discontinuité depuis deux mois au sein des écoles sont élargies à toutes les catégories d’enfants en âge scolaire. Cependant les parents peuvent faire le choix de mettre les enfants à l’école ou pas, la Ministre Désir se montrant compréhensive face à l’inédit du moment. Pour les crèches, c’est différent : elles sont de nouveau susceptibles d’accueillir chaque enfant inscrit. Et si les parents, malgré la confiance qu’ils mettent dans leur milieu d’accueil, décident de ne pas y déposer leur enfant, il faudra quand même payer les journées d’absence de l’enfant. Comme quand on annule le dentiste la veille du rendez-vous.
Une énorme pression pour les milieux d'accueil
Les raisons de mettre ou ne pas mettre son enfant à la crèche sont multiples et propres à chaque famille : toutes sont respectables, il n’y a pas lieu de les commenter.
Selon la circulaire 7550 (du 24 avril 2020), pour les classes de maternelle, "les leçons restent suspendues jusqu’à nouvel ordre. Une reprise même limitée aurait présenté un intérêt pédagogique réel pour ces élèves, à la fois sur le plan de leur socialisation et du développement de leurs capacités d’apprentissage. Toutefois, les experts ont mis en évidence qu’il est difficile de démarrer la reprise avec des enfants de cet âge au regard des normes de distanciation sociale et les règles d’hygiène". On imagine aisément que le même raisonnement puisse être appliqué mot pour mot aux enfants qui ont entre 3 mois et 2 ans et demi. Pourtant, le traitement n’est pas identique. C’est incompréhensible. Et inaudible.
Si tous les enfants reviennent à la crèche le 18 mai, on imagine la pression ressentie par les milieux d’accueil. Comment respecter les règles sanitaires, les protocoles de sécurité ? Y aura-t-il assez de puéricultrices et de puériculteurs ? On peut en douter. Cela représentera un coût et un défi organisationnel. Il est donc souhaitable que tous les parents ne remettent pas leur enfant à la crèche ou partiellement seulement s’ils en ont l’occasion. Mais les parents qui auront cette possibilité devront malgré tout payer l’ensemble des journées prévues initialement. Ce n’est pas équitable.
Pour ces différentes raisons, deux mesures seraient bienvenues. Premièrement, que les mesures compensatoires offertes aux milieux d’accueil (crèche, accueillante indépendante…) soient prolongées le temps que la situation sanitaire dans notre pays le nécessitera. Ensuite, que les parents qui ont la possibilité de garder leur enfant à la maison, quelles que soient leurs raisons, puissent ne pas payer les jours d’absence. Mesures auxquelles on pourrait ajouter celle-ci : que le gouvernement demande explicitement aux employeurs de se montrer compréhensifs face à la particularité de chaque situation familiale, afin que des parents ne se sentent pas contraints de placer leur enfant à la crèche durant cette drôle de période alors que leur cœur leur dicte le contraire.